Je vais continuer par tout dire plus simplement. Avec des phrases claires. Parce que je suis fatigué. Parce que c’est de la grosse connerie ces enluminures à la con. Parce qu’il doit bien y avoir quelqu’un ou quelque chose. Que ça doit bien creuser dans la tête de quelqu’un d’autre. Que lui aussi quelque part, il ne pense pas qu’à son putain de canapé. Parce que oh monsieur, oh madame. Parce que oh tu blablates bien. Oh pour mieux te manger.
Je prendrai un pistolet. Je flinguerai les déglingos. J’en tirerai des rafales. Pour faire des gros trou. Là bien dans la tête ! Je me plairai à regarder leurs cervelles vides. Le doigt dedans.
Après je partirai sans fermer aucune porte.
Je suis agacé, tu comprends. Toute cette médiocrité, cette bêtise, ça m’épuise. Je voudrais un monde plus fou.
C’est de la merde, c’est de la merde, de la merde, des excréments sur un trottoir et si j’insiste sur les défécations c’est parce que c’est vraiment de la merde de merde, tout est chié, et on n’en parle jamais, c’est ça le pire s’il y a du pire dans le pire, que ça pue tellement, que ça finit par ne même plus avoir d’odeur, qu’on nous innonde mais avec des bennes complètes de merde, on les déverse et on s’en fout qu’il y ait des paquets de bonhomme en dessous, une merde, une quantité que tu peux même pas imaginer, que quand tu vois quelque chose qui sent un peu moins mauvais, putain, tu te mets à fantasmer comme un fou, à te dire que c’est pas loin de l’orgasme intersidéral que tu as toujours cherché, mais ça finit pas revenir, l’odeur forte, il n’y a pas de mur pour la retenir, et ça coule, ça s’échappe, ça t’attrape et ça vient se coller sur toi, sur tes habits, ça t’assaille et ça te laisse aucun répit, si tu te débats pas, t’es dans une merde folle, dans la grande excrémentation jusqu’au cerveau, et le problème c’est que tu ne sais même pas comment donner des coups, ça gicle de partout, et t’en avales, tu t’étouffes, et que tu regrettes de ne pas être juste resté là immobile comme les autres, à mettre ton tas de sable sur la montagne de merdre, pour continuer à vivre, avancer, que tu t’embourbes, que les autres te regardent avec des grands yeux et que tu ne sais pas s’ils sont surpris, choqués, atterrés, ou s’ils se moquent. Ils font peut-être tout ça à la fois.
It is february. Ice is general. One notices different degrees of ice.
It's colours-blue white brown greyblack silver-vary.
Some ice has core bits of graved or shadows inside.
Some is smooth as a flank, you cannot stand on it.
Standing on it the wind goes thin, to shreds.
All we wished for, shreds.
The little ones cannot stand on it.
Not one letter, not one stroke of a letter, can stand.
Blindingly-what came through the world there-burns.
It is February. Ice is general. One notices different degrees of ice.
-Anne Carson-
A chaque fois que je sens que le silence va disparaitre à nouveau, je ne peux m'empêcher de profiter des derniers instants de sa présence, pour l'en chasser, pour que ça ne soit pas toujours lui qui l'entrecoupe à ma place. Je sais que ça va revenir, ça revient toujours.
Un murmure se fait entendre. Elle le laisse parler un peu.
J'aurai voulu que ce soit autrement. Une réponse. De l'écoute. Cette voix si triste. Qui me fait me sentir si proche de pouvoir communiquer et pourtant qui n'en est pas capable. Qui me ramène toujours vers cette pensée obsessionnelle.
Elle l'écoute planter.
La voix change . Elle est distraite un instant.
Me sortir de moi-même. Mais qui m'y conduit toujours inévitablement.
Me ramène à mon égo, à cette envie de pouvoir contrôler, moi qui ne suis même pas capable d'éteindre le bouton de cette radio, qui n'en finit plus de marcher, depuis combien de jours?
Et cette voix? Mais pourquoi une voix aussi stupide?
C'est que je me plonge dans le texte parfois, que je l'écoute attentivement, avec le peu d'anglais qu'il me reste, que j'essaye de comprendre, de saisir, ce maudit mois de février où tout s'est éteint.
Pourquoi? Qui a choisi ce poème? A-t-il été écrit spécialement dans les dernières heures avant que l'humain sombre. Il y aurait alors quelque chose de beau dans cette chute, de noble, qui ferait presque oublier le reste: l'humain s'évanouissant dans une plainte sublime. Le temps qui se répète.
Mais qui se répète pour qui? Pour celui qui entend à longueur de journées ces dernières phrases qui décrivent un monde tout aussi vide que celui dans lequel je suis perdue?
Ce qu'il y a de terrible, et je ne saurais dire si c'est le plus beau cadeau ou la pire punition, mais c'est que je ne peux m'empêcher d'imaginer derrière ces voix automatiques, plusieurs individus, et quand je dis individus, j'entends par là humain, dans le sens étroit du terme, dans ce qu'il y a de plus humain, pas du genre abominations ou engeances apocalyptiques, en fait pas plusieurs, un homme, et je suis sûr il était assez beau, les dernières minutes avant de partir, ce n'est pas la peur qui l'habite, mais la nostalgie, une mélancolie profonde, il allume une machine et recopie les dernières lignes d'un poème qu'il n'avait jamais su connaitre par coeur, comme ça d'un coup, et il s'en va sans se retourner, mais ce qu'il ne sait pas, c'est que ce poème serait en quelque sorte le dernier écho de la voix que l'humanité à longtemps promener dans la longue grotte de la vie.
De la glace, des aveugles, un désert si lisse qu'il en devient érotique. Vidé de l'homme, le monde est enfin redevenu sensuel.
Et quand j'entends cette voix mécanique, je ne peux que me résoudre à la faiblesse qui me souffle: comment continuer d'affirmer mon humanité sans jamais plus pouvoir parler, échanger, toucher, comment être un humain si le seul choix qu'il me reste consiste à couper la parole une machine débile et infatigable juste avant qu'elle ne cherche à me faire basculer dans la douce folie, l'illusion.
Soudain, croire que cette voix, n'est pas juste celle d'une machine, mais celle de quelqu'un d'autre un peu plus loin, mais pas très loin, mais la voix est tellement débile...le dernier homme l'a peut-être fait exprès.
Et il me parle. Il est beau c'est vrai. Et si jamais, il le voulait, il s'arrêterait, il ne dirait plus rien. Et son silence serait pour moi comme la plus belle des paroles.
Me lever? Tourner le bouton de la radio et m'offrir la joie d'une parole échangée.
Je voudrais que quelqu'un passe une main dans mon cou et respire dans ma nuque. Même le vent ne s'y risque plus.
Si je coupais cette radio, si le silence revenait, que plus rien ne se rallumait, il ne resterait, cette fois- ci, rien.
Je sens que mes yeux se ferment. Je ne devrais pas dormir, surtout ici. Mais si je m'endormais, peut-être y a-t-il une porte par laquelle moi aussi je pourrai m'enfouire et rester coincer pour toujours dans un rêve-je ne demande même pas un rêve incroyable- juste un rêve modeste, sympathique, dans une toute relative liberté, je pourrai m'échapper de la glace de ce terrible mois de février.
Toutes les voix parlent en même temps A : Tu crois qu’un peu te sortirait, du cafard, sans un peu de, l’audace ou la fougue à défaut de passion, mais peut-être qu’il détient quelque chose de sombre, de craquant, de je ne sais pas B : … je ne souffre plus de t’entendre, rester immobile ? t’écouter raconter toujours le même blabla de merde, à croire que mes oreilles ne saignent pas quand tu racontes le noir, tu crois que moi aussi, je n’ai pas du crissant, du fini, de l’espoir, que je suis un lampadaire inutile, que personne ne vient réparer ? C: comme si rien ne servait à rien, nos voix, tu sais, elles se confondent, sont là, des balises, tu sais que nous nous en sortirons pas, au final, il n’y a rien de plus qu’un mur dans lequel n’importe qui d’à peu près sensé aurait peur de foncer, de se perdre, se promener dans des déserts, couloirs… D rapidement: je me porte de perte en perte, il n’y a pas grand chose, dans mon cœur, il y a une petite place secrète, y a quelque chose comme un enfant qui pleure dedans, je l’ignore, c’est la salle de classe bleue qui m’intéresse, la lumière bleue, crépuscule, aube, un moment entre le temps, Japon, le calme, c’est la douceur, c’est la caresse de quelque chose qui pourrait soudainement devenir amer, cruel, le basculement avec la fine feuille, les bancs, ou chaises, le bois, vieilli grinçant, une nostalgie profonde, la lumière, c’est le sentiment juste, la confusion, aujourd’hui, les arrêtes, la brusquerie, veule…
Barreaux : frontières floues qui n’empêchent l’invasion par les libertés quotidiennes
A seul cette fois: PROTESTilNyArienQuiMePlaiseVraiment je sais que je n’arriverai nulle part, moi aussi je finirai dans un tas de cendres, avec beaucoup d’espoirs brûlés, l’envie de pleurer, parce que ça m’affecte, parce que de vivre comme ça, de continuer, de se battre, ce n’est pas que la dureté (c’est aussi la dureté) mais il y la bêtise, pas de direction, les sables mouvants
B : J’entre dans du rien avec du beaucoup dans les mains je les ouvre il n’y a plus que du sable tout est parti je regarde autour de moi je suis bien entouré tout le monde est parti je lève la tête vers la lune : elle demeure me pèse. Je m’écroule et fonce dans les remous de la terre boueuse ça gratte dans ma bouche ça coule ça tombe ça fait quelque chose de sirupeux de glacial de terrible de
Cenchaîne: Mais il n’y a pas de valeur, il n’y pas de quelque chose, de tu sais, parce que quoi, nous dors, donc, si tu proux, parce qu’il, jure non leveux, levent truc, il y a des machins qui s’irculent dans mes oreilles, non d’accord je prends des
A et B: noir noir noir
C : Ne cède rien si ce n’est chagrin
Mais je m’accroche
A et B : croche croche
C : Désarticulé du cerveau
Je n’arrive pas à m’empêcher de creuser Intoxiqué à la mort
L’absolue nécessité de se cacher dans un verre, pour disparaître, avant que le coin de la rue ne vous mange, vous prenez la cuillère, la plier, la tordre, pour l’asseoir plus près de vous, mais ces regards, même si elle cligne magnifiquement des yeux, le lilas, ne vous font rien, autour de cette, café, terrasse, sous le soleil, vous respirez un peu du bonheur que vous espériez et qui déjà vous échappe, que vous gâchez.
Narticulée par dexalement le téneubre, je m’en écoeur de cette absoluté, vide, pleine, m’en moque, m’en nuie,
N’a reste pas plein, presque rien, pas près de la fenêtre, « treren ta tetê, reviens ! », proche proche, « mouche ta proximité dans le coude de ma présence
Ouvre mais reviens, ne te bas-cule pas.
Tu dois monter avec moi, faire, ‘gir, prendre, bouger, mouvoir toi, te remue, secoue, shake shake, déhanche, la tête, le bras, le sourcil, gorge, démène, Béber, lève, cours, gémis, crie, pousse, passe, pose, brandis, promène, cède, tire, mais avance, move, run, spread, m’étales pas la gueule ».
Nuitamment, comme une poussure déclabousée. N’en suffit plus de la surface pour t’étaler tellement tu es à plat. Il te faut du moulu. Il te faut du plasme. Dans l’argitation macabolesque, du titre, du fracas, du saucissationnel. Et le miroitoir ? la grande fêlure ? on queuleule pour le grand résultat.
« N’amasse pas tes larmes dans le creux de ta poche, vide le sac si tu veux, mais ne t’amère pas, et arrête de te miroirer, ouvre donc ton bagage » il dit d’un air con.
Elle lui répond d’un air tout aussi con.
« C’est bien gentil ma sieur jambon, mais vous rêvez tout grand les yeux. Y a oune bouche ouverte, y oune parole, mais ce qu’en est dit, j’écoute mais ça ouie rien, bullshit. Jouste oune nouvelle aventure. La désole pour vous, mais que j’y peux faire, à votre désordre hugolien ? Ca « misère », ça « notre dame » ? Mais ça continue de chanter sous le pont pendant qu’il pleut. »
« Il faut s’armer de sparadraps et de sacs en tous genres pour prendre possession des avenues et des supermarchés. On n’est juste libres de nous-même, ce qui fait qu’on est tous un peu partis » tranche le panneau.
Et ça finit par une description.
« Y a le soleil qui sort ses rayons rasant. Ya une sorte d’embaramas de bruits qui sont tellement collés à la ville qu’on a fini par croire que c’est elle. Un peu de café et une pioche, entre deux fumées de cigarettes, y en a qui creusent, y en a qui pellent, les uns dorment en attendant de travailler, les autres travaillent en attendant de dormir. La ville moutonne. On graonde la fête. »