Some afternoons she does not pick up the phone

le 16/03/2011 à 22h 23min 47s


Wordle Carson

It is february. Ice is general. One notices different degrees of ice.
It's colours-blue white brown greyblack silver-vary.
Some ice has core bits of graved or shadows inside.
Some is smooth as a flank, you cannot stand on it.
Standing on it the wind goes thin, to shreds.
All we wished for, shreds.
The little ones cannot stand on it.
Not one letter, not one stroke of a letter, can stand.
Blindingly-what came through the world there-burns.
It is February. Ice is general. One notices different degrees of ice.

-Anne Carson-

A chaque fois que je sens que le silence va disparaitre à nouveau, je ne peux m'empêcher de profiter des derniers instants de sa présence, pour l'en chasser, pour que ça ne soit pas toujours lui qui l'entrecoupe à ma place. Je sais que ça va revenir, ça revient toujours.

Un murmure se fait entendre. Elle le laisse parler un peu.



J'aurai voulu que ce soit autrement. Une réponse. De l'écoute. Cette voix si triste. Qui me fait me sentir si proche de pouvoir communiquer et pourtant qui n'en est pas capable. Qui me ramène toujours vers cette pensée obsessionnelle.

Elle l'écoute planter.



La voix change . Elle est distraite un instant.



Me sortir de moi-même. Mais qui m'y conduit toujours inévitablement.
Me ramène à mon égo, à cette envie de pouvoir contrôler, moi qui ne suis même pas capable d'éteindre le bouton de cette radio, qui n'en finit plus de marcher, depuis combien de jours?
Et cette voix? Mais pourquoi une voix aussi stupide?

C'est que je me plonge dans le texte parfois, que je l'écoute attentivement, avec le peu d'anglais qu'il me reste, que j'essaye de comprendre, de saisir, ce maudit mois de février où tout s'est éteint.

Pourquoi? Qui a choisi ce poème? A-t-il été écrit spécialement dans les dernières heures avant que l'humain sombre. Il y aurait alors quelque chose de beau dans cette chute, de noble, qui ferait presque oublier le reste: l'humain s'évanouissant dans une plainte sublime. Le temps qui se répète.

Mais qui se répète pour qui? Pour celui qui entend à longueur de journées ces dernières phrases qui décrivent un monde tout aussi vide que celui dans lequel je suis perdue?

Ce qu'il y a de terrible, et je ne saurais dire si c'est le plus beau cadeau ou la pire punition, mais c'est que je ne peux m'empêcher d'imaginer derrière ces voix automatiques, plusieurs individus, et quand je dis individus, j'entends par là humain, dans le sens étroit du terme, dans ce qu'il y a de plus humain, pas du genre abominations ou engeances apocalyptiques, en fait pas plusieurs, un homme, et je suis sûr il était assez beau, les dernières minutes avant de partir, ce n'est pas la peur qui l'habite, mais la nostalgie, une mélancolie profonde, il allume une machine et recopie les dernières lignes d'un poème qu'il n'avait jamais su connaitre par coeur, comme ça d'un coup, et il s'en va sans se retourner, mais ce qu'il ne sait pas, c'est que ce poème serait en quelque sorte le dernier écho de la voix que l'humanité à longtemps promener dans la longue grotte de la vie.


De la glace, des aveugles, un désert si lisse qu'il en devient érotique. Vidé de l'homme, le monde est enfin redevenu sensuel.

Et quand j'entends cette voix mécanique, je ne peux que me résoudre à la faiblesse qui me souffle: comment continuer d'affirmer mon humanité sans jamais plus pouvoir parler, échanger, toucher, comment être un humain si le seul choix qu'il me reste consiste à couper la parole une machine débile et infatigable juste avant qu'elle ne cherche à me faire basculer dans la douce folie, l'illusion.
Soudain, croire que cette voix, n'est pas juste celle d'une machine, mais celle de quelqu'un d'autre un peu plus loin, mais pas très loin, mais la voix est tellement débile...le dernier homme l'a peut-être fait exprès.
Et il me parle. Il est beau c'est vrai. Et si jamais, il le voulait, il s'arrêterait, il ne dirait plus rien. Et son silence serait pour moi comme la plus belle des paroles.
Me lever? Tourner le bouton de la radio et m'offrir la joie d'une parole échangée.
Je voudrais que quelqu'un passe une main dans mon cou et respire dans ma nuque. Même le vent ne s'y risque plus.
Si je coupais cette radio, si le silence revenait, que plus rien ne se rallumait, il ne resterait, cette fois- ci, rien.
Je sens que mes yeux se ferment. Je ne devrais pas dormir, surtout ici. Mais si je m'endormais, peut-être y a-t-il une porte par laquelle moi aussi je pourrai m'enfouire et rester coincer pour toujours dans un rêve-je ne demande même pas un rêve incroyable- juste un rêve modeste, sympathique, dans une toute relative liberté, je pourrai m'échapper de la glace de ce terrible mois de février.


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